Libération : la tribune du 08 sept 2019

Dans un appel inédit, médecins hospitaliers et personnels soignants s’inquiètent des propositions de la ministre de la Santé qui montrent «au mieux une méconnaissance du problème».

Tribune. La ministre de la Santé dit : «Pour réduire au maximum les passages des personnes âgées aux urgences, généralisons des filières d’admission directe.» Mais les lits sont pleins ! En admission directe ou via les urgences, quand les lits sont pleins, l’admission directe d’une personne âgée se fera-t-elle tête-bêche ou dans des lits superposés ? L’efficience a été le maître mot depuis quinze ans et les regroupements hospitaliers ont abouti à des fermetures massives de lits d’hospitalisation sans solution d’aval associée. Proposez-vous, madame la ministre, de rouvrir des lits ? Il faut un moratoire sur la fermeture des lits !

La ministre dit vouloir développer «une vidéo-assistance entre les Ehpad et le Samu», pour éviter des hospitalisations en cas de «pathologies bénignes». Personnels des Ehpad et comme ceux du Samu sont déjà surmenés ! Proposez-vous, madame la ministre, d’embaucher des soignants ?

La ministre dit vouloir s’appuyer sur la médecine ambulatoire de premier recours : les Samu seront autorisés à envoyer une ambulance vers un cabinet de ville ou une maison de santé. La démographie médicale en ville, dans beaucoup de territoires, ne permet pas de faire face aux besoins de la population. Comment pourraient-ils alors répondre à une telle mesure ? Propos démagogique ou ignorance ?

La ministre dit vouloir que des paramédicaux des urgences réalisent des gestes (prescription de radiologie ou réalisation de sutures) avec une «prime de coopération» de 80 euros net par mois. Le sous-effectif est généralisé, et les postes ne sont pas pourvus vu la rémunération et les conditions de travail. Le ministère n’arrive pas à payer dignement les infirmiers et infirmières. Les salaires des paramédicaux sont au 26rang sur 29 des pays de l’OCDE. Comment financer ce nouveau corps de métier ? Qu’en est-il de la valorisation des infirmières de blocs ou d’anesthésie ? Proposez-vous, madame la ministre, de revaloriser les salaires des personnels hospitaliers et d’améliorer leurs conditions de travail ?

Les propositions de la ministre de la Santé montrent au mieux une méconnaissance du problème, au pire un déni de la situation et surtout un grand mépris pour les personnels hospitaliers. Le mépris, c’est l’absence de reconnaissance morale (la parole, les conditions de travail) et financière (salaires sans rapport avec les responsabilités, pénibilité des horaires et du travail posté). Nier la réalité ne la fera pas disparaître : l’hôpital public est sous-doté, sous-financé (3,6% du PIB contre 4% ailleurs en Europe). Il faut investir ou fermer ! La dégradation des conditions de travail et le management délétère créent les conditions de burn-out, aggravent l’absentéisme et font fuir les personnels hospitaliers.

Nous ne nous résignons pas et continuerons à dire que pour améliorer les conditions de travail de l’ensemble des personnels et garantir la qualité des soins, il faut pour l’hôpital public : financer des lits y compris dans le social et médico-social, financer des effectifs, financer des salaires décents, redonner de l’autonomie et du temps avec une organisation du travail au service des soignés et respectueuse des soignants.

Tribune

Nier la crise des urgences ne la fera pas disparaître, Libération.fr

Par : 

Hugo Huon (Président ciu), Dr Sophie Crozier (élue CME APHP), Candice Lafarge (ciu, Paris), Pr André Grimaldi (Pr émérite Pitié APHP), Dr Emmanuel Loeb (Président Jeunes Médecins), Dr Christophe Prudhomme (collectif médecins CGT), Dr Renaud Pequignot (coPrésident Action Praticiens Hopital), Dr Patrick Pelloux (Président AMUF), Dr Olivier Varnet (délégué SNM FO), Pr Véronique Leblond (Hématologie, La Pitié, APHP), Jean-Marc Devauchelle (Secrétaire Général de la Fédération Sud Santé sociaux) Cathy Le Gac et Olivier Youinou (co Secrétaires Généraux Sud Santé AP-HP), Benoit Cransac (ciu Auvergne Rhone Alpes), Claire Dumont (ciu Nord), Dr A Geffroy-Wernet (Présidente SNPHARE), Dr Nathalie De Castro (élue CME APHP), Dr Anne Gervais (Vice-Présidente CME APHP), Dr Nicole Smolski (Présidente d’honneur Action Praticiens Hôpital), Dr Franck Verdonk (Président Jeunes Médecins Ile de France), Cindy Bouzyn (ciu* Centre), Florian Brunet (ciu Grand Est), Dr Jacques Trevidic (coPrésident Action Praticiens Hôpital), Pr André Baruchel (chef de service d’Hématologie, Robert Debré APHP), Pr Gisèle Apter (élue Cnspm CHU Rouen), Dr Ségolène Arzalier-Daret (Vice-Présidente Observatoire de la Souffrance Au Travail), Dr Hichem Assami (SJBM-APH), Dr Lionel Barrand (Président syndicat national des jeunes biologistes médicaux), Pr Jean Etienne Bazin (responsable pôle médecine périopératoire, CHU Clermont-Ferrand), Dr Mathieu Bellahsen (chef de pole, printemps de la psychiatrie), Pr Jacques Boddaert (chef de service Gériatrie, La Pitié APHP), Dr Adrien Bouglé (MCU-PH Sorbonne Université APHP), Pr Jean Michel Constantin (Anesthésie Réa Clermont-Ferrand, APHP), Pr Etienne Larger (diabétologue La Pitié APHP), Pr Armelle Gentric (CHU Brest), Pr Philippe Grimbert (Nephrologie, Mondor, APHP), Dr Etienne Guiheneuf (SJBM-APH), Typhaine Guiho (ciu Bretagne), Pr Agnès Hartemann (Diabétologie Pitié APHP Dr Lamia Kerdjana (Jeunes Médecins), Christophe Le Tallec (ciu pays de Loire), Pr Marc Leone (AP-HM), Swan Meynier (ciu Bourgogne Franche comté), Pr Olivier Mimoz (chef de service Urgences Samu, CHU Poitiers), Pr Aleth Perdriger (chef de service, CHU Rennes), Pr Dominique Plantaz (Pédiatrie CHU Grenoble), Sabine Renaud (ciu Corse), Pr Marc Samama (Directeur DMU Anesthésie Réanimation, APHP centre), Anne-Sophie Swyndauw (ciu PACA), Nancy Tardres (ciu Nouvelle Aquitaine), Julie Tirello (ciu Occitanie), Dr Véronique Agaesse (SNPHARE), Dr Eric Le Bihan (ANPHARE), Dr Véronique Deramoudt (SNPHARE), Dr Anouar Ben Hellal (SNPHARE), Dr Jean Garric (SNPHARE), Pr Xavier Combes (SAMU 33), Dr Yves Rebufat (SNPHARE), Dr Pascale Lepors (vice –présidente SYNGOF), Dr Pascal Boissel (président de l’USP) et Dr Pierre Paresys (vice président de l’USP), Dr Philine De Vries (MCU PH chirurgie infantile CHU Brest), Dr Carole Poupon (Biologie Médicale Gonesse), Dr Xavier Palette (SNBH), Dr Cyrille Blondet (MCU PH Strasbourg), Salem OULD ZEIN (président du SNPADHUE) Ophélie Labelle, PPH (préparatrice en pharmacie hospitalière), Direction Nationale CGT Santé et Action Sociale, Pr Elena Paillaud (Hôpital Europeen Georges Pompidou, Paris)

1 Commentaire

  1. Huet

    Quoi dire de plus de cette déclaration criante de vérité !
    Mais
    Comment comprendre la création d’IPA alors que ce n’est pas une demande des personnels en grève !

    Quoi dire de plus sur la volonté des urgentistes d’exclure les infirmiers anesthésistes de leurs propositions d’être les acteurs de la réponse intermédiaire au SAMU qui permettraient d’optimiser le temps médical des smur !

    Effectivement, sans augmenter les effectifs dans les Samu, urgences et des nouveaux services permettant d’absorber les patients qui stagnent sur les brancards donc des places hospitalières, l’hôpital va dans le mur surtout avec le départ de 30% des médecins de ville d’ici 5 ans aggravant les déserts médicaux déjà existants

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